lundi 6 décembre 2010

Oscillations & flottement

Victime d'un cas sévère de mécanique des fluides, je titube, convalescent, à travers les jours. Dans le flou du mouvement, j'essaye d'écrire, de démontrer, mais j'ai toujours été très mauvais en mécanique des fluides et en chimie. Apparemment, cela n'a pas changé, depuis des années.

Il y a quelques jours encore, je filmais du Lelouch dans les stations de métro (pour paraphraser un Carcajou très inspiré). J'observais, dans mon temps libre. J'écoutais, de loin. Imaginez, juste une scène parmi tant d'autres, tirée du quotidien capital:

Une fin de soirée à Paris, il fait froid. Des passants pressés dans un quartier animé, transparents et rapides. Lointains. Elle le raccompagne jusqu'à l'entrée de la station de métro. Là, il devient clair que leurs chemins vont se séparer. Elle dit quelque chose du genre:
- Bon... bonne soirée?!
Il la regarde, il ne se démonte pas et avec un léger sourire:
- Tu ne vas quand même pas me laisser rentrer comme ca, dans le froid...?
Elle est un peu désarçonnée:
- Mais... tu voudrais qu'on passe la nuit ensemble?
Il ne dit rien. Elle continue:
- Tu ne trouves pas que nous allons un peu vite? On se connaît à peine?
Il ne dit rien, encore, un silence s'installe, stressant. Il ajoute alors juste, calmement.
- Tu as raison: être humain, c'est aussi contrôler ses instincts, non?
Elle est un peu interdite et dans la foulée, il l'embrasse. Alors elle ne dit plus rien, le temps s'arrête, un instant qui dure des éternités. Et à la fin d'une de ces éternités, elle lui prend la main en souriant et ils s'éloignent ensemble de la station.

Et là, je dois bien dire que je suis plutôt satisfait du scénario. C'est mon côté coyote bleu, inavoué. J'aurais voulu l'écrire que je n'aurais pas fait mieux, la réalité est une source fascinante d'inspiration. Je ne sais pas où ils sont partis après, je ne les ai pas suivis. Pas besoin.


Moi, en attendant, j'essaye d'être détendu. C'est vrai, ce n'est pas simple. L'odeur du désert est différente, pour le Coyote. Les plateaux, les mesa, les plaines, vides, terriblement vides. Elle est partie à Vienne pour une semaine. Visiter des amis, quelque chose de prévu depuis longtemps, enfin: plus longtemps que moi, l'imprévu. Moi j'avais prévu d'aller voir Petit Coyote, de toute manière...

J'arrive à Budapest, grise et enneigée. Je prends un taxi plus long que d'habitude pour aller à leur nouvelle adresse. La banlieue propre, des maisons semblables alignées à l'infini. Pas loin de l'école, certes. Formidable, cette maison, non, vraiment, positivement formidable. J'ignore les sueurs froides qui me parcourent quand la mère de mon fils me fait visiter avec fierté ce monument de construction moderne. C'est carré, c'est blanc, c'est propre. Je me sens mal.

Je passe un week-end bancal avec le Petit. Il a une chambre magnifique, c'est bien vrai, qui doit être maintenant à peu près aussi spacieuse que mon appartement parisien. Je fais la cuisine, je fais des concessions. Je dois prendre le dîner avec le nouveau,de sa mère, qui habite là, lui aussi. Il est aussi ennuyé que moi et ne tient pas à prolonger l'intermède. Moi je m'en fous, j'ai descendu une bouteille de Sankt Istvan Villány prophylactique, qui ne m'a presque rien fait, juste allégé les pensées pour une demi-heure. Après, il faut que je lise des histoires de loups. Les loups sont vaniteux, imprudents, se font toujours avoir. Les coyotes, non, enfin... différemment. Je remonte sous le toit, où je dors, confortablement, mais sans âme. Il y a un SMS sur mon téléphone, un SMS de Vienne, qui allège le reste de la soirée.

De retour à Paris, le mauvais terminal, le plus lointain. La navette la moins pressée. Le RER le plus lent. Ce matin, les problèmes de signalisation à Châtelet. La pluie, moins froide, mais le vide. Plus de SMS. Je vais travailler, automatique, je fais des blagues aux RH et elles m'offrent des chocolats et leur conversation. Mais il y a un truc qui fait masse. Elle revient quand, au juste? On se reverra quand, au juste? Et comment?

Le doute. L'attente. Les oscillations. Le flottement...

1 commentaire:

achzeb a dit…

Faut pas les brusquer...