dimanche 30 mars 2008

Sans légende

L'autre soir, j'ai vu I am Legend. C'était très mauvais. Non, vraiment. Will Smith est platement prévisible et le scénario massacre allègrement l'œuvre originale de Richard Matheson. La fin en particulier est particulièrement catastrophique, caractéristique de la tendance hollywoodienne au caca tout mou d'épilogue. A en pleurer de médiocrité. Sinon les effets spéciaux, essentiellement le New York dévasté, son remarquables. Cela ne suffit malheureusement pas à sauver cette production désespérément tirée en longueur, dont j'ose espérer qu'elle n'aura pas de suite.

mardi 18 mars 2008

La frustration

On est le 18 mars, il est tard, je me fais chier. Le fardeau quotidien de ceux qui n'ont pas de vie, les célibataires passifs et victimes, qui rêvent d'écouter le clair de lune de Debussy en sirotant un verre de Bordeaux sur la terrasse nocturne, mais ne se donnent pas les moyens d'y parvenir. Les vieux, les inutiles, les indécis, qui n'ont pas su prendre en mains les tripes de la vie alors qu'elles dégoulinaient à terre, seppuku prématuré.

Le sujet de mon ire, toujours le même, c'est la déréliction salariée, le laxisme élevé en culture d'entreprise, l'absence de perspectives en sus de celle, encore plus cruelle, d'une direction capable de prendre des décisions. Un amas larvaire, piteux et pitoyable, carpette lamentable, qui ne peut que s'incliner devant les faits, déplorer et dans ses rares moments de lucidité (fierté?) hiérarchique, évoque le passé comme malheureusement tel qu'il est, inéchangeable, mais les perspectives conjointes d'un présent imparfait et d'un futur conditionnel comme phares dans la nuit abyssale de l'évolution de carrière.

Pangolin transparent n'est plus transparent, juste opaque, comme avant. Il n'use plus de transparence, il s'est rendu co
mpte qu'on se foutait de sa gueule, comme si l'on ne le voyait pas venir, ongulé débordé et suant. Pauvre pangolin. Ces derniers faits et gestes l'apparentent plus à un mollusque qu'à autre chose. Et c'est le dernier rempart qui tombe: celui du respect. Devant ma juste et répétée colère, pangolin fait tapis, devient tout rouge, s'excuse platement, m'assure de la conjugaison précédemment citée. Pauvre bête. Je suis sur les nerfs, j'essaie de le pousser à bout, provoquer une réaction, quelque chose, une marque de fierté, quelque chose qui en ferait un chef, un leader, un chef de pack. Mais non, il courbe l'échine, bafouille et puis ne fait rien. Pauvre bête. Pitié et mépris. J'en ai fini de te chercher des excuses, par aveuglement, par attachement, cette stupide habitude animale de chercher un alpha. Mais non, tu n'es pas un alpha, même pas un chef de meute vieillissant. Tu fus, tu n'es plus.

Et moi je suis le négatif, le subversif, qui remue la vérité là où elle sent le plus. D'aucuns prétendront que je provoque de moi-même mon autarcie, mais on n'en est même plus là. Le bureau est atteint par cette anesthésie lente, la torpeur insidieuse de l'échec. Personne ne croit en nos objectifs de l'année. Parce que le pangolin n'y croit pas lui-même ou n'en donne que médiocrement l'illusion. Temps de se casser, diront tous. Oui. Je m 'éternise, parce que je suis fidèle, donc lent, donc indécis. Quel con, ce coyote. Le moindre rongeur opportuniste t'a déjà doublé. Tu restes sur un trône rongé de toutes parts, valeur ajoutée potentielle, oubliée dans un bureau monochrome égayé rarement par le sourire creux d'une blonde étrangère. Qu'est-ce que tu fous là, toi qui te vantes de ne croire à rien?

Je regarde M, cette après-midi. Je me dis qu'elle ressemble à Rochelle, dans L'automne à Pékin, de Boris Vian. Amusante analogie (à plus d'un titre). Elle ne me dit rien, si, d'une façon, elle me motive. C'est elle qui m'a poussé à me bouger l'arrière-train, lancer des candidatures, chercher. Alors ce sera un peu grâce à elle si je me retrouve enfin, un jour prochain, dans un vrai travail, où je n'aurai plus besoin de combler mon ennui par des métaphores animalières, La Fontaine exilé. Non, je travaillerai pour de vrai, à de vraies choses, avec de vrais problèmes, de vrais échecs, de vrais succès, des vrais gens, pas des masques velus factices pour couvrir le vide. Je ne dirai jamais en ces lignes pour quelle entreprise j'ai travaillé, il m'est suffisant de vivre avec ce souvenir faisandé de promesses futiles, de trahisons et d'ascension limitée. Ou cette illusion que l'argent nivelle tout. Je ne leur ferai pas l'honneur de leur faire de la publicité. L'internationale de la banane passe, il est temps de courir avec les vrais professionnels.

Vivement le week-end, loin d'ici, là où comptent les choses importantes.

lundi 10 mars 2008

N.D.E.

Ce matin, vaillant comme le pétrel atlantique éjecté de son nid d'algues par la marée chafouine, je me lève drôlement tôt (pour mes habitudes) pour sauter dans un taxi qui me mène à Feryhegy. Feryhegy, pour ceux qui ne suivent pas, c'est l'aéroport international de Budapest. Là où on prend l'avion. Mais si, pour se rendre rapidement d'un point à un autre. Faites un effort.

Je tombe sur un chauffeur jeune à la chevelure rare et au tempérament ombrageux. Qu'il soit ombrageux, remarque, je m'en fous, je m'arrange toujours pour faire comprendre que je ne parle pas le hongrois et que s'il ne parle pas l'anglais, ben tant pis. Ils savent toujours se faire comprendre, quand il s'agit de chiffres. Le reste, c'est secondaire. Ombrageux, donc, parce qu'il maltraitait de toute évidence sa Passat toute neuve, au mépris total de la convention de Genève et des règles internationales de la circulation automobile. Donc Attila (je l'appellerai Attila par simplicité, considérant qu'Attila est un prénom hongrois relativement répandu et qui plus est suffisamment qualificatif pour notre cas), était tout content, tout joyeux, dans la brume matinale et la relative quiétude des axes de voirie citadins. Plein d'espérance, il comptait sur un revirement tardif des feux rouges et sur la compréhension de ses compatriotes que sa manœuvre de dépassement par la droite n'avait rien d'agressif, non, vraiment.

Attila lit ses SMS en roulant, qui plus est. Il ne téléphone pas, non, sans doute tout simplement parce que tous les gens qu'il connaît qui ne soient pas chauffeurs de taxis eux-mêmes dorment du sommeil de bienheureux salariés et enfouis dans la quiétude de couettes endothermiques. Et plein d'entrain, sur cette voie limitée à 60 par un panneau coloré rond de facture classique, il écoute une musique indéfinissable, alors que le cadran illuminé de l'automobile teutonne indique bravement et très lisiblement un multiple double de la vitesse susdite. Record battu. 30 minutes pour joindre l'aéroport, où déjà la foule s'agite, vols vers l'Allemagne en particulier. J'ai survécu, sans stress, c'était presque rigolo, cette apothéose d'acier presque palpable, là contre ce garde-fou ou ce poids-lourd mais je n'exagère pas le pourboire, non plus, faut pas pousser.

L'écran tactile du guichet électronique me salue des couleurs de la compagnie locale, me propose, sûr de lui, l'anglais comme langue alternative. J'acquiesce d'un index sûr, point encore troublé par la caféine nécessaire au déroulement de cette journée. Chouette, je vais pouvoir m'asseoir vers l'avant. Mais bon. Comme à l'aller, nous héritons d'une machine roumaine de manufacture suédoise, dotée d´hélices hexapales fascinantes, bien qu'un tantinet étriquée dedans. Pas grave, elle n'est pas pleine. Je ne tiens pas debout dedans, mais je relativise: le voyage s'effectue assis et ô chance, il n'y a personne devant moi pour incliner son siège dans mon genoux au moment le plus inattendu, comme d'ordinaire.

Les moteurs à hélice, c'est joli, mais ça fait du bruit. Genre bourdonnement entêtant, dans les basses. Alors les hôtesses (plus petites que d'ordinaire, pour tenir debout dans l'étroit couloir pas central), du coup, ne nous proposent pas l'alternative classique: sandwiche jambon ou sandwiche fromage. On choisit soi-même, roulette hongroise dans un panier d'osier.

Munich, l'aéroport. La grève des trains annoncée précédemment n'a pas eu lieu, le S-Bahn est à quai, m'amène vers ce travail qui fait tant au quotidien pour me réconcilier avec moi-même et toutes ces choses que j'ai négligées, jeune fou, jusqu'à présent. Apparemment, on a une stagiaire. Une américaine ou de par là avec cet accent-là. Son prénom me rappelle quelque chose.

mardi 4 mars 2008

Le plan de l'esprit

Hier, en fermant Hotmail (oui, j'utilise Hotmail, en particulier pour les choses sérieuses), je me retrouve confronté à une page de publicitiés pour MSN avec tout plein d'articles édifiants. D'accord, c'est un truc d'américains, ils passent leur temps à chercher les 7 choses à faire, les 9 choses à ne pas faire et les 12 chemises à porter. C'est très numérique, en fait, tout ça. C'est juste bête qu'on ne leur ait pas révélé à temps le président à ne pas voter pour (enfin bon, j'en connais des européens de l'ouest qui feraient mieux de la fermer sur ce sujet...).

Bref, je tombe sur un titre qui attire ma curiosité (le coyote est curieux de nature). "Une nouvelle Terre" (comme la planète qu'on est dessus), écrite par un gars au regard fixe et pas dans la caméra, disciple sans doute de Ron Hubbard et adepte comme l'autre de la fantasmagorie intergalactique sectaire. Rôôôh, ça a l'air drôlement bien, en moins d'une phrase je repère les mots "illumination", "éveil" et "soi". Alors je clique, je lis le premier chapitre, mis gentiment à disposition par MSN, qui a l'air d'être une entreprise très bien, surtout au niveau du contenu éditorial.

Et je lis un ramassis de chose belles et constructives, tellement inspirant que je m'empresserai de forcer l'acquisition de ce livre pour notre bibliothèque d'entreprise (nan je déconne, on sait pas lire, chez nous). Une phrase, vers la fin laborieuse de ces couplets numérisés, retient mon attention, rassemblant en elle la quintessence du message de l'auteur. La voici, sans voile, jeune lectrice intrépide, prends garde à tes yeux:
So when you are alert and contemplate a flower, crystal, or bird without naming it mentally, it becomes a window for you into the formless. There is an inner opening, however slight, into the realm of spirit.
Je traduis pour les incultes autarciques et autres non-comprenants:
Alors quand vous êtes vigilant et contemplez une fleur, un cristal ou un oiseau, sans le (la) nommer mentalement, celui-ci devient pour vous une fenêtre vers l'informe. Une ouverture interne a lieu, certes mince, vers le royaume de l'esprit.
Et moi, philistin putride, qui m'efforçais d'ignorer tout ceci. J'en pleurai de rage impuissante mais maintenant, ma voie est tracée, le chemin est clair, puisque c'est le chemin le but.

Allez lire l'extrait complet de ma part, hein (y faut comprendre l'anglais, mais vous inquiétez pas, y a pas trop de subtilités). Et n'oubliez pas de lire avec votre cœur, pas avec votre raison. Moi, je lis régulièrement l'annuaire de la Gironde avec mon foie, c'est beaucoup plus efficace (surtout le soir, en particulier les vendredi et samedi).

Je vous laisse, il faut que j'aille repasser ma toge et faire rempailler mes sandales.