Ce matin, vaillant comme le pétrel atlantique éjecté de son nid d'algues par la marée chafouine, je me lève drôlement tôt (pour mes habitudes) pour sauter dans un taxi qui me mène à Feryhegy. Feryhegy, pour ceux qui ne suivent pas, c'est l'aéroport international de Budapest. Là où on prend l'avion. Mais si, pour se rendre rapidement d'un point à un autre. Faites un effort.
Je tombe sur un chauffeur jeune à la chevelure rare et au tempérament ombrageux. Qu'il soit ombrageux, remarque, je m'en fous, je m'arrange toujours pour faire comprendre que je ne parle pas le hongrois et que s'il ne parle pas l'anglais, ben tant pis. Ils savent toujours se faire comprendre, quand il s'agit de chiffres. Le reste, c'est secondaire. Ombrageux, donc, parce qu'il maltraitait de toute évidence sa Passat toute neuve, au mépris total de la convention de Genève et des règles internationales de la circulation automobile. Donc Attila (je l'appellerai Attila par simplicité, considérant qu'Attila est un prénom hongrois relativement répandu et qui plus est suffisamment qualificatif pour notre cas), était tout content, tout joyeux, dans la brume matinale et la relative quiétude des axes de voirie citadins. Plein d'espérance, il comptait sur un revirement tardif des feux rouges et sur la compréhension de ses compatriotes que sa manœuvre de dépassement par la droite n'avait rien d'agressif, non, vraiment.
Attila lit ses SMS en roulant, qui plus est. Il ne téléphone pas, non, sans doute tout simplement parce que tous les gens qu'il connaît qui ne soient pas chauffeurs de taxis eux-mêmes dorment du sommeil de bienheureux salariés et enfouis dans la quiétude de couettes endothermiques. Et plein d'entrain, sur cette voie limitée à 60 par un panneau coloré rond de facture classique, il écoute une musique indéfinissable, alors que le cadran illuminé de l'automobile teutonne indique bravement et très lisiblement un multiple double de la vitesse susdite. Record battu. 30 minutes pour joindre l'aéroport, où déjà la foule s'agite, vols vers l'Allemagne en particulier. J'ai survécu, sans stress, c'était presque rigolo, cette apothéose d'acier presque palpable, là contre ce garde-fou ou ce poids-lourd mais je n'exagère pas le pourboire, non plus, faut pas pousser.
L'écran tactile du guichet électronique me salue des couleurs de la compagnie locale, me propose, sûr de lui, l'anglais comme langue alternative. J'acquiesce d'un index sûr, point encore troublé par la caféine nécessaire au déroulement de cette journée. Chouette, je vais pouvoir m'asseoir vers l'avant. Mais bon. Comme à l'aller, nous héritons d'une machine roumaine de manufacture suédoise, dotée d´hélices hexapales fascinantes, bien qu'un tantinet étriquée dedans. Pas grave, elle n'est pas pleine. Je ne tiens pas debout dedans, mais je relativise: le voyage s'effectue assis et ô chance, il n'y a personne devant moi pour incliner son siège dans mon genoux au moment le plus inattendu, comme d'ordinaire.
Les moteurs à hélice, c'est joli, mais ça fait du bruit. Genre bourdonnement entêtant, dans les basses. Alors les hôtesses (plus petites que d'ordinaire, pour tenir debout dans l'étroit couloir pas central), du coup, ne nous proposent pas l'alternative classique: sandwiche jambon ou sandwiche fromage. On choisit soi-même, roulette hongroise dans un panier d'osier.
Munich, l'aéroport. La grève des trains annoncée précédemment n'a pas eu lieu, le S-Bahn est à quai, m'amène vers ce travail qui fait tant au quotidien pour me réconcilier avec moi-même et toutes ces choses que j'ai négligées, jeune fou, jusqu'à présent. Apparemment, on a une stagiaire. Une américaine ou de par là avec cet accent-là. Son prénom me rappelle quelque chose.
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