lundi 23 juin 2008

...va falloir y aller...

C'est lundi et comme tous les lundis, c'est réunion au sommet (qui se résume donc au 6ème étage dans la nomenclature corporate). On cause, on cause, de choses pas intéressantes, mais alors pas du tout. Par exemple, Pangolin transparent, apparemment pas dans un de ses meilleurs jours, s'étonne que l'on lui fasse remarquer qu'il serait avantageux d'augmenter la qualité du suivi des besoins par une méthode audacieuse: documenter les besoins dans une liste commune faisant état de leur statut (i.e. nouveau, vieux, a pus), de leur origine (tracteurs ou bombardiers), de leur responsable (la hyène, la girafe...), etc. C'est vrai: on n'en a jamais eu besoin auparavant, alors pourquoi maintenant?

Il nous annonce que bientôt arrive le rendez-vous trimestriel de point sur les activités stratégique: le workshop Q2. Et il est content parce que nos résultats sont bons. Taquin, je lui demande si la corrélation entre ces améliorations et les actions entreprises a été prouvée. Il élude. J'insiste: en effet, si ces améliorations sont objectives, il nous appartient de nous assurer qu'elles ne sont pas dûes au hasard ou à une conjoncture propice pour au mieux les capitaliser et en assurer la reproductibilité. Il élude encore. Je lis dans son regard qu'il a déjà compris que cette journée sera longue.

Après, ça pipeaute. Fait étrange, je ne me souviens plus bien des détails des discussions. J'étais trop occupé à trier mes e-mails. Et Belette Stylée, du siège à côté, m'envoie un e-mail triomphant: c'est sa dernière réunion de ce type. Le temps passe. Et puis il est midi. L'heure à laquelle notre entreprise nous gratifie d'une communication exceptionnelle sur la stratégie des deux années à venir. Le Berger Allemand (qui grisonne, soit dit en passant) vient me chercher: présence requise dans la salle de réunion pour regarder du Powerpoint en gros sur le mur, avec le son de la conférence sur les hauts-parleurs crachotants du portable de Pangolin Transparent. Au bout de 5 minutes, même lui, pourtant toujours si exemplaire, trifouille son Blackberry et bientôt partout dans la salle, surgissent ces terminaux. Même le mien. Le Berger Allemand joue à un casse-briques ou approchant, regarde parfois anxieusement par-dessus son épaule (donc vers moi), pour ensuite corriger l'angle de son écran, s'assurant ainsi que je ne saisisse pas le contenu de son activité. Les autres font de même. Belette Stylée a pris son portable sur ses genoux et paraît très concentrée. Louveteau Putride ne fait aucun effort pour me cacher qu'il est sur G-Mail et consulte aussi les offres d'embauche sur les pages web de nos concurrents.

Je ne conterai pas en ces lignes les summums de rhétorique d'entreprise que nous entendîmes alors. Rien de bien inattendu en définitive. Martre Incorrigible s'énerverait encore, comme toujours, à leur énoncé. J'épargnerai ainsi un coup de sang à tout le monde en me taisant, mais en n'en pensant pas moins. Juste qu'il y aura encore plus de task forces (en anglais dans le texte) que d'habitude. Je redoute déjà les prochaines présentations de l'autre buse, celle qui colle toujours un joueur de fléchettes sur une page pour symboliser nos buts (véridique).

Ce qui m'amena, dans l'après-midi, à accomplir ma première tâche utile depuis des lustres: planifier mes grandes vacances d'été avec Petit Coyote, le seul, le vrai, l'unique, l'indispensable. C'est bête, j'y pense: je vais rater le début des nouveaux workshops et cetaera. Je serai sur la plage, à faire du Knowledge Management de la seule manière qui soit vraiment honorable et utile. Réviser mes vieilles terreurs, revoir mes vieilles amies: résistance des matériaux, mécanique des fluides, mécanique générale, littérature contemporaine ou classiques. Allez, on se casse, là où il y a la mer. Bientôt, très bientôt...


Aucun commentaire: