"Dans le métro, il fait chaud", disait un notable homme politique français, bien qu'à la destinée brisée. C'est un des avantages certains du métro de Munich, l'air de rien, lorsque l'air d'hiver se rafraîchit au point de rendre nos expirations palpables et nos extrémités rouges. Mais il en a plein d'autres. Des défauts aussi. Exposons-les.
Il est rarement en grève. Les conducteurs munichois de métro sont apparemment beaucoup moins vindicatifs que ceux de notre capitale, qui plus est engoncés dans des structures de négociations beaucoup moins improbables que les nôtres: en gros, on ne fait pas grève quand on veut, c'est coordonné pour être efficace, beaucoup plus efficace (allemand, quoi).
Par contre, niveau fiabilité, on se demande. Certes, de temps en temps, un malandrin égoïste se jette brutalement et bruyamment devant une motrice, avec pour seuls résultats un retard conséquent pour les personnes de la rame et des stations suivantes, qui le maudissent en silence et une myriades de petits bouts de chair sanguinolente qui collent et que l'ont devra travailler au karcher, c'est vraiment pas un boulot, sans compter le soutien psychologique post-traumatique dans un rayon de 5 mètres de l'impact. Mais la plupart du temps, le métro se met en retard tout seul, par pure incapacité technique, en particulier quand il fait froid dehors, même si on est enterré dans des tunnels. Voyons cela positivement, cela facilite les contacts humains, si. Sentir le parfum de ma voisine à la source et partager la musique de mon voisin tout en lisant le journal du gars devant, massé par le sac-à-dos du gars derrière, est un bonheur rare que je souhaite à tous. Bon, on ne se roule pas des pelles, mais c'est une grande famille.
Niveau équipement, il y a deux types de rames. Les anciennes, fonctionnelles, toujours, quoique foncièrement quadratiques. On peut s'asseoir, parfois, dans l'une des six voitures et goûter la compagnie du peuple sur des banquettes en skai brun du plus bel effet, devant le contreplaqué plastifié du plus pur style années 70. On s'y fait, d'ailleurs, il y a beaucoup plus de place que dans d'autres modèles de métros, ne serait-ce que nos capitaux nationaux. Et puis il y a les nouvelles rames, genre monorail lego des belles années (les miennes), tout d'un bloc avec des soufflets entre et un nouveau concept d'occupation de l'espace, i.e. beaucoup plus de possibilité d'être debout qu'assis, ce qui, au regard de la population grandissante de grabataires en devenir, me semble un choix à la limite du judicieux. Les places assises (enfin, la moitié d'entre elles), sont placées longitudinalement, ce qui permet un partage beaucoup plus poussé des phases d'accélération et de freinage avec ses voisins d'infortune (à 45€ le mois, quelle chance). Mais c'est drôlement mieux, parce que les portes sont commandées par des touches sensitives qui laissent parfois les gens perplexes et les trajets sont bercés de la voix suave et enregistrée de l'annonce de la prochaine station et des correspondances. C'est presque beau. Dans les anciennes rames, c'est Günther le chauffeur qui scande les stations de son accent bavarois et nous dit qu'il faut qu'on reste en arrière (sinon il nous arriverait des choses terribles avec la porte qui justement se referme , diantre!). Il dit aussi les correspondances, quand il s'en souvient, sinon parsème parcimonieusement son trajet de quelques blagues, aussi, malheureusement le plus souvent incompréhensible du fait de l'accent mâchouillant (ou de l'absence totale d'humour, chaipas, je suis pas, en général).
Sinon, quand le métro s'éternise pour des raisons déjà évoquées plus haut, eh ben il y a des annonces sur des haut-parleurs dans les stations. Drôlement bien, les haut-parleurs. Qualité dolby thx surround 9.2, au moins. Tellement qu'on se demande d'où vient l'annonce et surtout, ce qu'elle veut bien pouvoir dire. Mais pour les reconnaître, il y a un gong, juste avant. Avant, le gong était sobre, discret, efficace. On savait tout de suite que le gars allait marmonner des choses désagréables, juste après, genre: on est vraiment désolés, mais on sait pas quand le métro ligne [insérer ligne attendue ici] direction [insérer direction souhaitée ici] pourra à nouveau circuler suite à un problème mécanique complètement rédhibitoire quant à la circulation future dans les temps qui viennent que c'est pas la peine d'attendre, on vous aura prévenus. Mais maintenant, le gong est changé, c'est un nouveau. Je ne m'y suis toujours pas habitué, je ne réagis plus. Le nouveau gong sonne à peu près comme les messages quotidiens des Galeries Lafayette: dong-ding-ding grande promotion au rayon chaussettes, la deuxième demi-paire à moitié prix! Alors forcément, on ne peut pas le prendre au sérieux, surtout quand le gars annone, d'une voix monocorde bien que compréhensible, une liste stupéfiante de problèmes techniques insoupçonnés (il y a une chaudière, dans une motrice électrique?).
Et sinon le métro, c'est la pub. Il faut bien s'occuper, dans les stations de métro. On pourrait lire Bild ou ses clones, à la rigueur écouter son iPod ou faire semblant de lire un vrai livre. Heureusement, avant de se poser cette question, on peut se reposer en lisant la pub sur les murs des stations et des wagons, ainsi que les écrans d'images mobiles qui racontent des histoires d'un extérieur si lointain qu'il en est hypothétique. Il y a les pubs pour les restaurants, les chirurgiens dentistes qui ne font pas mal car zen à base de plantes, les conseillers financiers qui veulent votre bien (quels humanistes, ceux-là), les offres d'emploi pour changer son boulot parce que finalement, son boulot, c'est un produit comme un autre, soumis à la concurrence, donc il faut changer pour être "in" et s'assurer que l'on a toujours le mieux, le plus efficace, le plus rentable, que l'on en serait presque heureux de le faire. Pour ceux qui hésitent, paf, un titre de docteur par correspondance, ça vous irait? Ou alors une assurance vie/vieillesse/retraite, vous avez juste 20 ans, il est temps d'y penser, pour les autres, c'est déjà trop tard ou ce sera cher. Sinon réservez votre place au home pour vieux, à côté du canal avec les canards, c'est bien, vous serez entre vous, entre vieux, quoi. Quelle chance. Alors on regarde les dessins animés des images mobiles et on observe les pubs pour le zoo. Enfin pas trop, parce qu'elles deviennent très vite énervantes. Et monotones.
Mais quand on sort du métro, qu'est-ce qui nous attend? Un arrêt de bus, un arrêt de tram ou la grise réalité du lieu extérieur, là où nos destinées nous menèrent. Interloqué, on s'arrête, on cherche son chemin entre les murailles rectilignes et le ciel froid, les pavés, constate l'absence de sympathie et d'amour de ces lieux abandonnés par toute trace de divin et de grâce. Parfois, le vrai tunnel semble être à l'extérieur. Il faut toujours prendre le métro à deux, pour survivre. Je ne suis même pas sûr que cela soit suffisant. Sans artifices, s'entend.
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