Lundi matin, tôt. Descendant du train, je me dirige, vivement, vers le métro. Je traverse le hall de la gare et je passe sous cette publicité. Oui, cette publicité illustrée ci-contre dans une photographie approximative faite ce soir à l'aide d'un téléphone mobile-lecteur mp3-appareil photo numérique-etc qui n'en demandait pas tant, au point que je dus appeler Gimp à l'aide en rentrant pour en faire quelque chose d'à peu près lisible. Cette publicité qui, vous l'aurez deviné, eut en ce lundi matinal un effet plutôt repoussant sur ma personne, voire crispant. Je ne sais pas ce qui me crispe le plus, dans cette image somme toute anodine et qui ne ferait guère lever la tête au million de voyageurs qui passe ici (et en a vues d'autres).
1) Le calembour stupide en allemand, tellement stupide que rien que d'y penser j'ai envie d'avaler un blaireau ou de fourrer ma tête dans un tonneau de bière pour une apnée alcoolisée suicidaire. Ahah. Rum. Rum. Ahah. A noter que le rum (ndlr: rhum, pour les francophones fiers qui ne s'abaissèrent pas à fourrer leur langue dans un dialecte guttural paysan) sans majuscule est une contraction de herum (ndlr: autour, dans le sens ici de "bien voyager", pour les mêmes, à qui je renouvelle mon respect vespéral), mais ça, tout le monde s'en fout. C'est pourtant le ressort comique de cette image, sa raison d'être (vous en verriez une autre?). Un comique donc basé sur le double sens (vous me suivez...), léger, pour la route. Tout le monde peut comprendre, entre le sudoku de train régional et les workshops de midi.
2) La mine réjouie de l'autochtone femelle qui brandit son carré de chocolat. On pourrait discuter sur l'origine de ce sourire et prétendre qu'il serait légèrement crispé, peut-être à cause de quelque action surprenante ou inattendue se déroulant en-dessous de la ligne de démarcation inférieure de l'image (une zone donc au possible érogène et/ou sensible, puisque la partie supérieure ne l'est de toute évidence pas). Je ne vois sinon pas de raison de s'extasier sur la présence verticale d'un emballage de chocolat au rhum dans ma main droite. A ce point de saillie ostensible des veines du cou, moi, en tant que coyote et donc prédateur qui connaît ces choses-là, je vous le dit: elle attend le coup de grâce. Je passerai sur l'effet inérotique des lunettes en bakélite. Ne vous y méprenez pas. Je suis un fan de brunes à lunettes, oh si. J'ai un faible coupable pour celles-ci (j'en ai même eu dans ma famille). Mais là, non. Je voudrais pouvoir refermer la page du magazine pour lire autre chose, un reportage sur les petits enfants faméliques et étrangers qui sont tristes à l'approche de Noël, une interview de George Bush discutant Schopenhauer, que sais-je? Et je réalise que ce n'est pas une page de journal, que c'est une affiche géante qui pendouille au-dessus de ma tête et qu'il n'y a que ma tête que je puisse tourner, hélas, pour échapper à l'effarante et implacable attraction du vide.
3) Josiane (je l'appellerai Josiane, par bonté d'âme et pour oublier le fait pesant qu'elle soit domiciliée à l'est du Rhin, donc du même côté que moi) porte un polo. Pour les myopes et malvoyants, je préciserai que ce polo rouge pétant porte la mention "Ritter Sport Freunde". Les amis de Ritter Sport (Ritter Sport étant la marque productrice de ces chocolats dont la seule audace est l'empaquetage carré). Qui, je vous le demande, porte avec le sourire un polo des amis d'une marque de chocolat? Un membre du groupe des amis de la marque de chocolat! Bonne réponse de l'adresse IP 192.xx.xx.xx, qui recevra un abonnement gratuit à Bild de trois mois en récompense pour sa vivacité intellectuelle, qu'il ne faudrait surtout pas laisser retomber, maintenant qu'elle a atteint des sommets. Le simple fait qu'il existe une association des amis de cette marque de chocolat et qu'ils portent haut et fort les polos vermillons et ostentatoires de celle-ci devrait être une raison pour l'exclusion de l'Allemagne du cercle des pays (soi-disant) développés.
J'espère que les responsables de cette campagne de pub cuisent depuis en enfer. Ah mais non, je suis bête, ils y sont déjà. Moi aussi, d'ailleurs.
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