Le monde actuel n'est pas propice au romantisme. On le cache, il gène, il est déplacé. Surtout ici. Munich n'est pas une ville romantique. J'y ai cru, un moment et puis... pouf, plus rien. On me dira, avec raison, que c'est un état d'esprit, que tout lieu s'y prête, pour peu que l'on soit dans les bonnes conditions ou pas trop maladroit. Peut-être, je connais un canal qui passerait bien, c'est vrai. Mais c'est une exception. Le reste est juste hostile et froid. Et puis quand je rentre le soir, dans ma tanière, juste pour dormir et que seule l'odeur de renfermé le dispute à l'épaisseur de la couche de poussière et au vide sidéral du garde-manger, je ne suis pas nécessairement habité de sentiments positifs.
Parfois, j'observe les autochtones. Leur forme de romantisme semble se borner au recueillement commun devant des écrans de téléphones portables, au partage de litres de bières sur des bancs en bois en mangeant des trucs gras et à l'assignation ostensible de petits noms doux, mais étrangers, tels que: trésor, moineau, toiha (remarquez l'intonation et le redoublement vocal final, en allemand dans le texte: douhou) ou [insérez un nom d'animal ou neutre ici]-chen. Le tout avec une emphase de bon goût. On me dira que je suis frustré et que de ce fait je ne suis pas à même d'apprécier cette inoffensive légèreté qu'en secret sûrement j'envie. Dieu m'en préserve (s'il existe). On dira ce qu'on voudra, mais tout du moins l'écueil des petits noms germaniques, je l'ai bien évité. Et je ne suis pas pour, dans le futur. C'est vrai, quoi, je suis un combattant, un résistant, un carnassier. Je ne vais pas me laisser appeler grand coyote-chen aussi facilement. Je suis contre, ce serait humiliant. Quoique, il n'y a pas si longtemps (enfin si, quand même), j'étais un chaton hongrois, mais c'était dans une autre vie, maintenant je suis fort et inflexible (hein, dis, hein?)...
Bref, Munich n'est pas romantique. Le spectacle de paysans alcoolisés urinant de concert dans des buissons à l'Oktoberfest ne l'est pas. Les danses piétinantes traditionnelles avec des blaireaux sur la tête ne le sont pas. Et les seuls endroits de ce lieu maudit qui pourraient s'y prêter sont fatalement empesés de la présence de personnes à la recherche de leurs limites physiques plutôt qu'intellectuelles, à pied, à vélo, en surf, poussant des poussettes biplaces, discutant bruyamment les sujets futiles de leurs vies misérables, les impôts, les assurances-vies et leur ascension sociale homéopathique. L'ennui en monochrome.
Les façades grises et rectilignes sont froides et étouffantes. Quand on demande aux locaux ce qu'ils aiment dans cette ville, ils répondent souvent: "la proximité des lacs et des montagnes". C'est-à-dire que ce qu'ils aiment, dans cette ville, c'est son extérieur, où il rêvent de passer leur temps. Et sinon ils planifient leurs vacances en paquets largement proportionnés de dépaysement extrême et le plus lointain possible. Et je vais aux Canaries, et je vais faire du trekking au Népal et je vais gambader dans la forêt au Canada, youpi, youpi, pourvu que je sois loin. Etonnant, non?
Un jour, j'ai vu un couple de résistants, ici. Un mâle, une femelle, allemands. Ils avaient eu cette idée douce de monter à deux sur le même vélo et de rouler ainsi, sur la piste cyclable (pas trop rebelles quand même). Ils en étaient presque mignons. Et puis ils se sont fait arrêter par la police. Mon pote italien et moi, qui suivions sur nos montures respectives, n'en revinrent pas. Ils ont dû payer une amende, sans doute pour mise en danger de la vie d'autrui et insouciance coupable. Il est vrai que le seul équivalent, en niveau de romantisme, à un policier allemand doit être une brigade anti-émeutes indonésienne.
Bref, ici, c'est pas propice. Putain, merde, qu'est-ce que je fous ici... Je voudrais partir, mais j'y arrive pas. Habité toujours de chimères, je poursuis encore, maladroitement, une arlésienne.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire