18h30. Heure fatidique en cette fin d'année. Le peuple se presse dans les lieux de consommation, enrôlé dans une croisade. Pas pour libérer la terre sainte, non, pour vider les stocks de marchandises diverses à l'occasion des fêtes de fin d'année. Ces marchandises seront offertes à d'autres personnes. Moi, je cherchais quelque chose pour le Petit. Alors je vais au magasin de jouets à Karlsplatz et je scanne, un par un, tous les rayons, à la recherche de l'illumination.
A mon rayon préféré (les Lego), je trouve ce que je cherchais. Quelque chose de simple et de complémentaire à son installation actuelle: un pont pour son train Duplo. Je suis content. Je considère aussi, un instant, le passage à niveau. Et les rails supplémentaires. Car le pont est imposant: 105cm de long. Il y aura donc sûrement un problème avec son circuit actuel, beaucoup plus modeste. Je devrais donc acheter des rails supplémentaires pour assurer un circuit fermé. J'ignore les rails courbes et je me concentre sur les rails rectilignes. Mmmm. La boîte de 6 pour un total de 78cm. Bien. "78<105", me dis-je en me rappelant avec nostalgie mes années de prépa. Soit un rail rectiligne de 13cm. Or 105 n'est pas un multiple de 13... 104 est un multiple de 13. Il manque 1cm... Grmbl... Comment assurer un circuit, alors? Acheter deux fois le pont pour compenser? Mais après ça devient trop imposant. Solution: le pont se scinde en deux rampes symétriques. Ah! C'est gagné! Je regarde un peu le reste, je flâne, pas trop à cause du monde. Alors je me dirige vers la caisse. Le combat allait commencer, je ne le savais pas.
La caisse que je choisis, par la magie de Murphy, n'est pas la bonne. La suivante non plus. J'explique. Première caisse, je me place dans la queue. Après un instant, la caissière beugle à mon adresse que c'est fini et qu'elle ferme: "Schluß!". La populace putride alentours de se gausser de ce mot d'esprit. Comme je ne suis pas d'humeur à comprendre les mots d'esprit bavarois ou étrangers ou semblables. et que je n'ai pas l'air aimable, même avec mon pont Duplo sous le bras, elle m'explique qu'elle va fermer et que ce serait gentil de ma part si j'acceptais de ma placer dans une autre file d'attente à une autre caisse, non, vraiment. Bon. Deuxième caisse. File d'attente plus longue. Bon. Caissière blonde replète. Pas rapide. Passe une bonne minute à réparer le crayon pour signer les tickets, alors que la file s'allonge. Puis décide qu'elle échange avec celle qui vient de fermer la caisse précédente. Elles se passent les commandes. L'autre est plus rapide, bon.
Arrive le tour d'une allemande blonde, sûrement catholique. Elle étale devant elle le contenu de son panier de courses. Oh, un panier de courses! Plus petit, pour faire semblant. Plein de trucs miniatures pour faire style, briques de lait, boîtes de riz, saucisses, bière, allemand, quoi. Oh, encore un autre! L'allemande déballe. Arrive le pompom: deux paniers remplis de petits fruits et légumes en bois. Inoffensif, vu comme ça. Bah non, parce que chaque petit machin en bois a un code-barre unique. La caissière saisit son pistolet. Allez. Bip. Bip. Pas bip. De côté. Bip. Oh, la petite banane, là, elle a perdu son code-barre. Ah bah zut, où est le catalogue. Ainsi de suite... Les gens derrière moi sont stoïques, certains en profitent pour se gratter le nez ou rêvasser (heureusement, pas de réception GSM à cet endroit). Pas bip. Ah tiens le poireau en bois miniature, là, bah y passe pas non plus. Vous arrivez à lire le code, vous? Mentalement, je commence à compter le nombre de ponts ferroviaires Duplo pour couvrir Budapest-Vienne en tenant compte du dénivelé. Et puis la blonde catholique acheteuse de dinettes et supermarchés miniature en a fini. Ce serait plus facile de les peser d'abord, les bananes en bois et d'appuyer sur la touche voulue. Allez hop, 95€ de petites cochonneries non mangeables pour apprendre aux petits enfants la société de consommation, la logistique, le marketing et l'inflation.
Soudain la caissière replète blonde surgit du néant (ou des toilettes) et veut reprendre sa place. Allez, c'est bien, merci Gudrun, à demain. Le dernier gars devant moi a juste une petite boîte. Vite expédiée. C'est à moi. Non?! A moi?! Le pistolet-laser éructe un bip satisfait à l'approche du pont Duplo. Et puis scrz scrz scrz. Ah, c'est pas bon signe. La caissière blonde replète s'énerve. "Putain merde Gudrun kestumafoutu?!", kadit. Gudrun s'en fout, elle a pris sa caisse et sa trousse de maquillage et s'éloigne. La caissière blonde replète se rend alors compte que le bruit vient du rouleau de l'imprimante de la caisse (ce que je lui aurais dit plus tôt si j'avais droit de cité). Scrz scrz scrz. Bah oui, bourrage papier. On s'énerve pas, on ouvre, on enlève, on retire, on remet, on referme, on imprime à nouveau. Ce qu'elle fit. Avec un délai. Au passage, elle manque de faire tomber mon pont sur la petite vieille qui me suivait, je le rattrape de justesse au bord de la table. Et puis elle me fait signer mon ticket, à l'allemande, c'est-à-dire en tenant le ticket mais en ayant l'air de regarder ailleurs, derrière, loin. Elle met mon pont dans un sac plastique. Salut. Je suis libre, libre, liiiiiiiiiiiiibre!!! Ça m'a pris un bon quart d'heure de caisse, cette histoire. Mais j'ai mon pont, enfin, le pont du Petit. Joie.
1 commentaire:
Pour vérifier les longueurs de pont, la prochaine fois, tu demandes à essayer... Et tu nous appelles avant, on viendra t'aider à construire un méga-cicuit au milieu du magasin!
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