Ces temps-ci, l'âme de la presse allemande se surpasse en termes de contenu et de liberté éditoriale. J'ai nommé: Bild. Avant, quand j'étais encore jeune et plein d'insouciance, le cheveu long flottant au vent tourbillonnant des possibles, j'écoutais les revues de presse internationale, qui citaient Bild comme référence allemande, ou alors BamS (autrement dit: Bild am Sonntag, la version du dimanche, encore plus riche que l'autre). Bon d'accord, ils citaient aussi Die Welt ou alors FAZ, mais Bild revenait souvent. J'imaginais quelque chose de respectable. Comme je me trompais...
Arrivé à Munich, en un jour quelconque, si je me souviens bien, je me retrouvai confronté à une réalité douloureuse: Bild, c'est du tabloid populiste et visqueux. Et ses clones aussi (AZ, TZ, variantes locales). Et il y a toujours une jeune fille à la poitrine dénudée en couverture, signe indéniable d'exigence éditoriale (en fait, il y a toujours un texte à côté de ladite photo, pour expliquer qu'elle a chaud ou travaille dans les médias). Chaque matin, la une sur le distributeur de journaux à l'entrée/sortie du métro. Chaque matin la même médiocrité suintante en gros caractères. Chaque matin l'hypnose baveuse des lecteurs au regard atone, dans les voitures bondées. Un peu plus de fascisme rampant, un peu plus de fange conformiste, l'atrophie du cerveau en couleurs vulgaires.
Ces derniers jours, le susdit organe de presse se concentrait sur l'histoire édifiante de l'
agresseur du métro. Je ne cautionne pas les actes de cet individu, même si j'ai presque fini GTA IV. Il a tapé un petit vieux sur un quai de métro, sans raisons, par pure méchanceté, rage refoulée, conditionnement télévisé, bêtise ou consanguinité. Ce n'est pas bien, même si les petits vieux de Munich peuvent être particulièrement déplaisants (voir un post précédent). Alors les unes se succédèrent, sur les images des caméras de surveillance, sur les photos du petit vieux bandé, sur le visage de la bête, sur le petit vieux encore plus grabataire, sur des voitures de police. Témoignage du petit vieux: "Il faut l'expulser". Car il s'avéra que l'individu, en sus d'une évidente mauvaise éducation, n'était même pas de chez nous, pardon, de chez eux.
Du coup: feuilleton judiciaire. Une avocate pulpeuse affiche ses seins galbés en bas de la couverture, non, j'extrapole, pardon. Le malandrin, le malfaisant, est identifié, appréhendé, traîné devant la justice d'ici qui ne rigole pas, oh non, encore moins avec les petits vieux qu'avec les autos. On se félicite, recueille une fois de plus le témoignage de la victime. Et puis il y a deux jours, l'on se félicite qu'il soit décidé que le contrevenant, après avoir purgé sa peine en Allemagne, soit renvoyé dans son pays. Aujourd'hui, consternation: sur une image agrandie du fourgon qui le conduit en prison, l'individu affiche une ostensible et étonnante paralysie du majeur droit près de la vitre blindée. Alors on s'offusque et on se congratule en se disant que c'est bien fait. Une page de plus tournée au pays des saucisses molles et insipides, jusqu'à sa prochaine fin de peine et son retour au pays. Que d'émotions primitives. Georg Wilhelm Friedrich, Immanuel et tant d'autres se retournent dans leurs tombes.
Dans un prochain post, je vous parlerai de la télévision, qui remplit un format hebdomadaire des tribulations de starlettes désespérément creuses mais callipyges, confrontées à la "vraie" vie, c'est-à-dire les vaches, les champs, les poules, le bon sens paysan et le roulage des "R". Ça a déjà été fait avant, je vous l'accorde, mais pas avec le même accent.